Vienne – 15 octobre 2023

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À la découverte de Vienne – La rencontre de l’Orient et de l’Occident
Vienne est souvent considérée comme la « porte des Balkans », selon une célèbre citation attribuée au chancelier autrichien Metternich au XIXe siècle. Mais la ville de Vienne a également été un carrefour international pendant la Guerre froide, car sa neutralité – inscrite dans la nouvelle constitution de 1955 – ainsi que sa position géographique en ont fait un lieu de rencontre apprécié des divers représentantes et représentants de « l’Est » et de « l’Ouest ».
Les événements survenus à Vienne dans les années 1930, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, sont nettement moins connus. Ils ont façonné la culture du souvenir dans la société autrichienne actuelle. Ils ont aussi déterminé le rôle et les relations du pays avec ses voisins et dans la région dite « d’Europe centrale ».
L’exploration des traces de la guerre à Vienne visait donc à révéler ces aspects méconnus, à les replacer dans le contexte du projet et à sensibiliser les participantes et participants à l’enchevêtrement des conflits historiques en Europe.
L’histoire de l’Autriche et de ses relations avec les Balkans
Afin de bien comprendre la raison d’être d’une escale à Vienne dans le cadre du projet, le groupe a d’abord reçu une brève présentation, sous forme chronologique, de l’histoire de l’Autriche. Cette introduction lui a rappelé l’importance de l’Empire des Habsbourg et de sa longévité dans le développement du pays et la perception qu’il a de lui-même aujourd’hui, ainsi que dans ses relations avec la région des Balkans.
En matière de récits historiques et de culture du souvenir, il importait de replacer la Première et la Seconde Guerre mondiale dans leur contexte historique et d’expliquer le rôle crucial de l’« austrofascisme » (de 1933/1934 à 1938, également appelé aujourd’hui « dictature de Dollfuß-Schuschnigg »).
Cela a permis de resituer l’Autriche dans son contexte en tant que « jeune » république (1918-1934, puis à partir de 1955) et de fournir un bref aperçu de l’évolution des relations entre le pays et la région des Balkans sur la base de 3 événements principaux survenus au XXe siècle : l’assassinat en 1914 à Sarajevo – qui faisait alors partie de l’Empire – de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône, considéré comme l’un des événements déclencheurs de la Première Guerre mondiale, l’immigration d’une main-d’œuvre (« Gastarbeiter*innen ») en provenance de Yougoslavie dans les années 60 et 70 et l’arrivée de réfugiés pendant les guerres de 1992-1995.
Explorer la ville sur les traces de la guerre
Le fait d’envoyer le groupe explorer la ville a permis à ses membres d’en découvrir la dimension historique par le biais de recherches indépendantes et d’interactions avec la population locale. Ce faisant, ils ont acquis un nouveau regard sur les événements historiques et la (les) culture(s) du souvenir.
Les participantes et participants ont été répartis en quatre groupes de travail. Chaque groupe s’est vu attribuer un monument, un mémorial ou un lieu spécifique lié à la guerre ou à la période d’avant-guerre :
- Tours de défense antiaérienne dans le parc Augarten : telles ont été construites en 1944-1945 et utilisées comme bunkers pour les canons antiaériens. Ces dernières années, leur présence dans l’espace public a suscité plusieurs controverses : certaines personnes ont voulu les détruire, tandis que d’autres se sont battues pour les conserver en mémoire de la Seconde Guerre mondiale à Vienne.
- Mémorial de la Shoah : construit en 2000 sur la « Judenplatz » (Place des Juifs) qui était le centre de la vie juive à Vienne au Moyen Âge et abritait sa synagogue (détruite au XVe siècle), ce mémorial est dédié aux 65 000 victimes juives autrichiennes de la Shoah.
- Heldenplatz (Place des Héros) : l’« Anschluss » a été officiellement proclamé par Adolf Hitler en mars 1938 depuis le balcon de ce qui est aujourd’hui la Maison de l’histoire autrichienne (ouverte en 2008). Au fil des ans, plusieurs débats ont eu lieu sur la question de savoir si le fait de rendre le « balcon d’Hitler » accessible au public renforcerait la mémoire collective du pays ou créerait un nouveau lieu de pèlerinage pour les néonazis.
- Monument de Lueger : maire de Vienne de 1897 à 1910, Karl Lueger s’est vu ériger une statue par son parti politique, le parti chrétien-social autrichien, en reconnaissance de sa contribution à la modernisation et à la transformation de Vienne au rang de métropole. Sa politique populiste et antisémite a été progressivement mise en lumière ces dernières années, et sa statue est devenue très controversée : elle est considérée comme une honte pour la culture autrichienne du souvenir.
Les missions d’exploration consistaient, d’une part, à trouver des informations sur la personne ou le sujet commémoré et, d’autre part, à engager une discussion avec les passantes et passants sur leurs propres impressions et opinions concernant le monument ou le lieu visité. De courtes vidéos destinées au reste du groupe ont été produites pour résumer la découverte de la ville.
En interagissant avec la population locale, le groupe a pu se faire une idée des débats actuels au sein de la société autrichienne : le thème de la « cancel culture », la montée du populisme dans le pays (le parti d’extrême droite FPÖ [Freiheitliche Partei Österreichs] se trouvant en tête des sondages et des intentions de vote) et les élections législatives à venir en 2024. Les participantes et participants ont appris que l’histoire peut être soumise à une certaine instrumentalisation à des fins politiques ; le groupe a également été confronté aux informations et aux connaissances acquises précédemment lors des différents ateliers organisés tout au long du voyage.
Quant à savoir si les Balkans commencent à Vienne, ou si Vienne commence dans les Balkans, le mystère reste entier. Mais, pour notre groupe, quitter Vienne signifiait se rendre en Croatie, et plus particulièrement visiter le mémorial de Jasenovac à la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, leur permettant ainsi d’en apprendre davantage sur le multiperspectivisme en histoire.
Autrice : Anne Favre